Les colons de Grande-Bretagne, des États-Unis
et d'Ontario qui arrivent dans l'Ouest du Canada rencontrent
souvent des groupes d'immigrants qui ne leur ressemblent
pas du tout. Les groupes religieux pacifistes, comme
les Mennonites et les Doukhobors, sont d'abord bien
accueillis par le gouvernement canadien, qui consent
à leur accorder de grandes étendues de
terre et à les exempter du service militaire
en échange de leur labeur sur les terres «
vierges ». Cet extrait du roman de Stead, The Homesteaders,
donne un bref aperçu d'une rencontre entre des
immigrants de langue anglaise et un établissement
de Mennonites au Manitoba.
Lorsqu'il achète la Terre de Rupert, en 1869,
l'objectif du Canada est avant tout d'ouvrir l'Ouest
aux colons blancs et, dans les années 1870,
on assiste à une arrivée considérable
d'immigrants dans les Territoires du Nord-Ouest. Au
cours de ces années, le caractère multiculturel
des Prairies commence à prendre forme. Entre
1874 et 1878, un premier groupe important de 6 000
Mennonites de langue allemande arrive de Russie et
se voit offrir huit cantons entiers dans le sud du
Manitoba. En 1872, une colonie islandaise s'établit
à Gimli, sur la rive ouest du lac Winnipeg.
Malgré l'hiver rigoureux et l'épidémie
de variole qui éclate l'année suivante,
les Islandais demeurent à Gimli et deviennent
un modèle pour de nombreuses colonies islandaises
qui s'établissent dans d'autres parties du
Canada.
Divers facteurs sont à l'origine de la première
vague d'immigration vers le Canada, mais la diminution
des perspectives économiques en Europe aussi
bien pour les populations urbaines que rurales en
a certainement incité beaucoup à émigrer.
D'autres groupes, comme les Mennonites et les Doukhobors,
doivent s'expatrier à cause des persécutions
ethniques et religieuses. Ce qui rend le Canada attrayant
aux yeux de plusieurs d'entre eux, c'est la promesse
du gouvernement fédéral d'exempter les
groupes religieux pacifistes du service militaire.
Même si le gouvernent fédéral
se montre d'abord accueillant à l'égard
des groupes pacifistes parce qu'il a besoin de colons
fermiers dans l'Ouest, les groupes établis
depuis plus longtemps au Canada se sentent souvent
menacés par le nombre croissant de nouvelles
cultures, de nouvelles langues et de nouvelles façons
de voir les choses. Lorsque l'identité nationale
canadienne est sérieusement mise à l'épreuve
pour la première fois, lors de la Première
Guerre mondiale, les groupes pacifistes sont la cible
des xénophobes et font l'objet d'une discrimination
évidente.
Les Doukhobors de langue russe et les Mennonites
de langue allemande s'opposent à la guerre
parce qu'elle est pour eux mauvaise en soi et immorale.
Pendant toute la durée de la guerre, on ne
les oblige pas à s'enrôler, mais cette
exemption est tournée en ridicule par de nombreuses
personnes en faveur de la conscription. Étant
donné que les Mennonites sont de langue allemande
et plus nombreux, leur situation est particulièrement
délicate. Pour prouver leur loyauté
et améliorer leurs relations avec les Canadiens
de souche, les communautés mennonites offrent
des contributions substantielles à la Croix-Rouge
et au fonds patriotique, et ils achètent des
quantités considérables d'obligations
de la victoire. Néanmoins, le gouvernement
canadien réagit à l'hostilité
croissante en fermant les frontières aux immigrants
doukhobors, mennonites et huttériens (arrivés
en Alberta en 1918) entre 1919 et 1922.