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Ron Lightburn

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Entrevue avec Ron Lightburn


Entrevue avec Ron Lightburn

Entrevue réalisée par Josiane Polidori avec Ron Lightburn, illustrateur de Un coquelicot pour se souvenir, paru aux Éditions Scholastic.

JP : Vous êtes né à Cobourg, en Ontario. Vous avez passé les étés de votre enfance au bord de la mer, vous avez vécu plusieurs années en Colombie-Britannique, et habité en Nouvelle-Écosse, sur la côte de l'Atlantique. Votre environnement a-t-il exercé une influence sur votre art?

LIGHTBURN : Oui, et je crois que mon travail en porte la trace. L'environnement occupe une place capitale dans Waiting for the Whales, Eagle Dreams, Driftwood Cove et Wild Girl and Gran. Si je n'avais pas été illustrateur, j'aurais sans doute été peintre paysagiste ou animalier. Je me sens en contact avec la nature quand je me promène le long de la plage, observant les motifs sans fin des vagues de l'océan, ou quand je traverse une forêt tachetée de soleil. Lorsque je m'assois dans mon jardin, les effets des rayons du soleil qui jouent sur le feuillage en fin d'après-midi me fascinent, ainsi que les couleurs subtiles du ciel au crépuscule, ou le manège des oiseaux qui viennent dans la mangeoire de mon arrière-cour.

JP : Quels sont les artistes en art visuel ou les illustrateurs qui vous ont inspiré, ou qui ont influencé votre travail d'illustrateur de livres pour enfants?

LIGHTBURN : J'ai d'abord été marqué par Alfred Bestall et par ses images dans les albums annuels de Rupert. Celui de 1959 est l'un des premiers livres dont je me souvienne. J'en possède encore un exemplaire qu'on m'avait offert à Noël. Ses magnifiques dessins en page couverture et en page de garde, ainsi que ses rendus délicats de la nature, m'ont laissé une impression inoubliable. Par la suite, j'ai découvert le monde de Jack Kirby, l'un des plus grands conteurs dans l'histoire de la bande dessinée. Il illustrait ses histoires dans un style audacieux et cinématique, recourait à des angles de vue variés, et représentait des personnages dynamiques. Je suivais les récits qu'illustraient Bestall et Kirby avant même d'avoir su lire. Leur travail prouve l'importance que les albums ont eu dans mon jeune âge. Puis, je me suis passionné pour les luxuriantes peintures de Frank Frazetta, en particulier ses illustrations éclatantes en page couverture de rééditions des récits d'Edgar Rice Burroughs, parues dans les années 1960 et 1970. Je trouve encore très inspirants et stimulants ses concepts pleins d'imaginaire, sa technique audacieuse et la riche utilisation qu'il fait des clairs-obscurs. Je vénère aussi des illustrateurs de l'âge d'or de cet art, tels N. C. Wyeth et Norman Rockwell, maîtres dans l'art de raconter des récits et de dépeindre les personnages. À l'école des beaux-arts, j'ai subi un grand éventail d'influences, et l'étude des impressionnistes et du Groupe des sept a stimulé mon intérêt pour la peinture de paysages. Ces dernières années, j'ai admiré l'œuvre d'Ed Young, qui a illustré des livres d'images avec une simplicité gracieuse. Et j'apprécie beaucoup le caractère irrévérencieux de Lane Smith! Si vous voulez comprendre mon sens de l'humour, lisez son livre illustré intitulé The Happy Hocky Family.

JP : Vous avez travaillé à titre d'illustrateur dans des magazines et exposé des peintures dans des galeries. Dans votre travail d'illustrateur de livres pour enfants, vous utilisez surtout les crayons de couleur. Pourquoi privilégiez-vous cette technique? Comptez-vous retourner un jour à la peinture?

LIGHTBURN : Très jeune, j'ai commencé à utiliser les crayons de couleur pour produire mes propres bandes dessinées. Devenu illustrateur professionnel, j'ai pris conscience des avantages que présente cette technique. Les crayons reproduisent à merveille les détails et la gradation des ombrages et des couleurs, sans que je doive attendre qu'ils sèchent. Selon le papier utilisé, les crayons produisent des lignes nettes et expressives, ou des textures tendres et délicates. En contrepartie, couvrir une grande surface d'une série de coups de crayon prend un temps infini. Cet inconvénient joue dans un travail où les échéances importent. En quête de changement, j'ai cessé de me limiter au crayon après avoir illustré Driftwood Cove en 1998. Depuis, j'ai surtout utilisé l'huile ou l'acrylique, et j'ai pris plaisir à explorer différents styles. Et selon la surface de la peinture sur laquelle je travaille, j'emploie une large brosse pour couvrir rapidement une grande étendue, et une petite pour les détails. J'applique de fines couches de peinture pour obtenir l'aspect tendre de l'aquarelle, ou des empâtements à coup de pinceau pour créer des textures vigoureuses. Le passage du crayon à la peinture s'est fait naturellement, dans la mesure où, parmi les artistes qui m'ont influencé, se trouvent plusieurs peintres.

JP : Les illustrations de vos livres renvoient à l'introspection; les personnages et l'environnement dégagent une forme de douce intimité. Comment arrivez-vous à donner autant de profondeur aux images? Comment rendez-vous cette atmosphère et ces impressions?

LIGHTBURN : Je tâche d'être attentif au texte. Je réfléchis beaucoup au langage corporel des personnages, et j'emploie une approche cinématique dans mes compositions et mes effets de lumière pour rendre l'ambiance voulue. Par exemple, je pourrais dessiner un personnage en gros plan pour créer une atmosphère d'intimité, et y opposer, sur la double page suivante, une vue aérienne qui tient le lecteur à distance et souligne dans cette scène le sentiment de solitude. Je peux passer du monochrome à l'usage de toute la gamme des couleurs, d'une scène ombragée à une scène baignée de soleil. Tous ces contrastes créent une impression dramatique.

JP : Vous avez un jour dit pouvoir « raconter une histoire en lumière ». Pouvez-vous expliquer comment, dans vos illustrations, vous jouez du clair-obscur, du contraste entre l'ombre et la lumière? Utilisez-vous une technique particulière pour baigner vos images de lumière?

LIGHTBURN : C'est essentiellement un processus intuitif, donc difficile à expliquer. J'essaie d'imaginer d'où vient la lumière, car l'intensité ou la place de la source lumineuse dans une scène en modifie l'effet dramatique. Certaines scènes auront un rehaut blanc comme lumière la plus brillante, et pour d'autres, je choisirai une nuance intermédiaire. L'effet doit répondre aux exigences du récit. Dans How Smudge Came, je montre d'abord Jan partiellement cachée ou dans l'ombre, mais au fil du récit, le personnage s'éclaire au fur et à mesure que le lecteur le connaît mieux. Cette réalité fait écho à l'évolution de sa relation avec Cindy. Dans Wild Girl and Gran, Wild Girl se cache à l'ombre d'un arbre lors de sa première rencontre avec Gran. Lorsqu'elles font plus ample connaissance, Wild Girl apparaît en plein soleil. Le lecteur se sent plus près d'un personnage montré dans la lumière et en détail.

JP : La plupart de vos livres représentent les personnages et leur environnement avec réalisme, mais non de façon littérale. Le lecteur perçoit toujours la véracité des détails et leur ancrage dans la réalité; pourtant, vos illustrations demeurent oniriques. Pouvez-vous expliquer le réalisme de votre approche?

LIGHTBURN : J'aime guider le spectateur vers les éléments essentiels de la composition, et pour ce faire, l'une des pratiques consiste à adoucir certaines surfaces et à en accentuer d'autres, d'où peut-être l'aspect onirique que vous avez souligné. D'ordinaire, un personnage est un des repères de l'image, et je souhaite que leurs formes dégagent un sentiment très naturaliste. C'est toujours un défi, même dans le projet de livre illustré sur lequel je travaille actuellement pour Annick Press; dans ces dessins, j'utilise un style non réaliste sans référence photographique. Je trouve important, dans l'interprétation que je fais d'un récit, de conférer aux détails de l'image une grande précision. Dans mes recherches pour Eagle Dreams, j'ai accompagné, durant quelques jours, une vétérinaire dans ses tournées. J'ai été surpris de constater qu'elle transportait son matériel dans une boîte d'articles de pêche. Ce détail est insignifiant, mais je n'y aurais pas pensé. De la même façon, la maison dans la souche de Driftwood Cove semble farfelue, mais je me suis inspiré d'une maison qui a réellement existé voilà cent ans là où se situe aujourd'hui le centre-ville de New Westminster. Je l'ai découverte en étudiant des photos d'archives de la Colombie-Britannique.

JP : Vous élaborez souvent vos plans à partir de photographies. Commencez-vous d'abord par produire des esquisses et placer vos personnages dans des décors précis, ou vous promenez-vous avec votre appareil-photo jusqu'au moment où vous trouvez la composition que vous recherchez? Parlez-nous de votre processus de création et de planification avant que le dessin ou la peinture réelle ne soit amorcée?

LIGHTBURN : Le processus varie selon les projets. D'habitude, j'esquisse une série de croquis en noir et blanc afin d'arrêter la composition. Ceux-ci peuvent ne comporter que quelques lignes, ou inclure des ombres et détails complexes. Parfois, je produis une seconde série en couleur. Pour Driftwood Cove, j'ai d'abord fourni à l'éditeur une description écrite de chaque scène avant de prendre une suite de photos de référence, puis j'ai directement produit des dessins préliminaires en couleur détaillés. Durant les séances de photographie, j'ai joué le rôle du réalisateur : je déplaçais les modèles jusqu'au moment où ils ont reproduit la composition que j'avais en tête.

JP : Comment avez-vous procédé à la recherche d'images sur un sujet historique qui s'est étendu sur plusieurs décennies, tel celui de A Poppy Is to Remember?

LIGHTBURN : J'ai emprunté presque tous les livres que la bibliothèque de quartier possédait sur les deux guerres mondiales, et un grand nombre de livres qui se trouvaient dans la section locale de la Légion. J'avais empilé tant de volumes par terre dans mon atelier que je devais les contourner chaque matin pour atteindre mon chevalet. J'ai également visionné plusieurs films et documentaires traitant du sujet, j'ai navigué sur Internet et j'ai interrogé plusieurs vétérans qui m'ont fourni la documentation de référence.

Mon éditeur m'a aussi beaucoup aidé, procédant à des recherches là où les miennes échouaient. J'avais pour défi de condenser deux guerres en une seule et brève série d'images, de donner le plus de précisions possible sans pour autant aller trop en profondeur car je m'adressais à de jeunes lecteurs, et de réaliser le projet dans le délai alloué. J'ai travaillé durant six mois à raison de sept jours par semaine. J'ai lu une journée entière pour décider quelle quantité de fumée sortant des cheminées des bateaux-corvettes je dessinerai à l'arrière-plan de l'une des illustrations.

M. Joseph Samson, vétéran qui a posé pour deux des peintures et qui résidait à Kentville, en Nouvelle-Écosse, a servi durant la guerre de Corée. Il apparaît en arrière-plan, dans l'image du cénotaphe, avec ses petits-enfants; dans l'illustration suivante, il leur raconte l'histoire de ses médailles et leur en explique la signification. Au moment où ils ont posé pour le tableau, j'ai appris que M. Samson abordait pour la toute première fois ce sujet avec Alex et Colin. M. Samson est décédé moins d'un an plus tard, mais je suis heureux de savoir que, ayant participé au projet du livre, il a pu partager un élément important de sa vie avec ses petits-enfants.

JP : Lorsque vous abordez un projet de livre pour enfants, vous travaillez avec le récit d'un auteur. Tentez-vous d'entrer dans son imaginaire ou vous inspirez-vous de l'histoire en y apportant votre propre imagerie?

LIGHTBURN : J'ai rarement l'occasion de collaborer étroitement avec l'auteur. Aussi dois-je me fier à ma propre imagination pour interpréter le récit et lui être en même temps le plus fidèle possible. Driftwood Cove a été l'exception - j'ai eu la possibilité de discuter de l'histoire et des illustrations avec ma femme Sandra tous les jours, échanges qui avaient souvent lieu pendant que nous faisions ensemble la vaisselle.

JP : Pensez-vous au jeune lecteur au moment où vous illustrez un récit? Quels commentaires sur vos livres les enfants font-ils lorsque vous les rencontrez en salle de classe?

LIGHTBURN : J'essaie toujours de produire un livre assez intéressant pour que le jeune lecteur y prenne plaisir. Comment pourrais-je le rendre plus amusant? Plus triste? Plus précis? Comment pourrais-je le réaliser différemment? Comment produire un meilleur livre?

Les enfants me demandent souvent comment je réussis à rendre mes images « aussi réelles ». J'ai vu des lecteurs caresser la page couverture de How Smudge Came parce qu'ils aimaient l'effet de douceur des crayons de couleurs que j'avais utilisés pour le rendu du chiot. Lors des présentations que je fais dans les classes supérieures, j'essaie de montrer comment l'utilisation de l'ombre et de la lumière peut donner aux objets, y compris ceux issus de l'imaginaire, une apparence très réelle. Souvent, pour compléter une illustration, je dois inventer des objets de telle manière qu'ils s'harmonisent avec les éléments issus de références photographiques. Je tiens cette aptitude de mes années d'études en art et de mon expérience d'illustrateur professionnel. Et, comme lorsque je créais, enfant, des bandes dessinées, inventer me procure un grand plaisir!


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Date de création : 2005-11-04
Date de modification : 2005-11-04

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